En 2024, le Nutri-score évolue : pourquoi, et que faut-il en retenir ?

Le Nutri-score est un logo destiné à informer les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des aliments et leur permettre de les comparer entre eux, tout en incitant les industriels à améliorer la composition nutritionnelle de leurs produits. Son mode de calcul a fait l’objet d’une révision qui entre en vigueur en 2024 dans les sept pays européens qui l’ont adopté. En voici les raisons, et ce qu’il faut en retenir.

Une mise à jour planifiée

Lorsqu’il a été proposé par les scientifiques en 2014 et adopté officiellement en France en 2017 puis dans 6 autres pays européens (Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suisse), il a été acté que le Nutri-score serait mis à jour régulièrement, en fonction de l’évolution de la science dans le domaine de la nutrition et également de l’évolution du marché alimentaire (afin de tenir compte des innovations et reformulations par les industriels).

En 2022, la gouvernance transnationale du Nutri-score, qui regroupe les pays qui l’ont adopté officiellement, a mandaté un comité scientifique composé d’experts sans conflits d’intérêts issus des 7 pays pour réaliser la mise à jour du mode de calcul du Nutri-score. Après 2 ans de travail, le comité a publié deux rapports très complets sur les aliments généraux et sur les boissons).

Ces documents proposaient des points d’amélioration de l’algorithme initial, tout en maintenant sa structure générale. Rappelant que les classifications des aliments par le Nutri-score actuel étaient globalement adéquates sur le plan nutritionnel, le Comité a cependant proposé des modifications du mode de calcul pour diverses catégories d’aliments.

Quels changements pour les aliments ?

Les modifications spécifiques de l’algorithme sont les suivantes :

  • une augmentation du nombre de points de pénalisation pour la teneur en sucre (15 points au lieu de 10 dans la version initiale). Ce choix s’explique par le fait qu’un [rapport récent de l’EFSA] a montré qu’il n’y avait pas de seuil minimal de teneur en sucre sans risque pour la santé et pour permettre un alignement avec la réglementation européenne, afin de permettre une classification plus adéquate des produits sucrés ;
  • une augmentation du nombre de points de pénalisation pour la teneur en sel (20 points au lieu de 10) : ce changement est lié au fait qu’un apport élevé en sodium augmente la pression artérielle et le risque d’hypertension, ce qui constitue un facteur de risque de maladies cardiovasculaires et d’insuffisance rénale chronique. En outre, ce changement traduit la volonté de s’aligner sur les règles actuelles de l’Union européenne en matière de déclaration des nutriments. À ce titre, il s’agit de discriminer mieux les aliments fortement salés, afin de favoriser les versions moins salées et/ou de stimuler la reformulation des aliments par les industriels ;
  • une modification de l’allocation des points valorisant la teneur en fibres pour permettre une meilleure discrimination entre les produits céréaliers raffinés et complets et ainsi être en cohérence avec les recommandations nutritionnelles de santé publique ;
  • une augmentation du nombre de points pour les protéines (jusqu’à 7 points), avec une limitation des points pour les protéines de la viande rouge (2 points maximum) : les teneurs en protéine reflétant également les apports en calcium et fer, cette augmentation permet donc de mieux discriminer les aliments sources de ces nutriments. La limitation de la prise en compte des protéines dans la composante positive en ce qui concerne la viande rouge est justifiée par les travaux mettant en évidence les liens entre apport important de viande rouge et risques de cancers, notamment colorectal ;
  • une modification de la composante « fruits, légumes, légumineuses, fruits secs et huiles de colza, olive et noix », qui désormais ne compte plus que les fruits, les légumes et les légumineuses (les fruits oléagineux étant désormais catégorisés avec les matières grasses, du fait de leur teneur élevée en lipides) ;
  • une modification du seuil entre le score A et le score B.

En ce qui concerne les boissons

Le lait, les boissons lactées, les boissons fermentées à base de lait et les boissons végétales sont dorénavant inclus dans la catégorie des boissons (et non plus comme jusqu’à présent, dans la catégorie des aliments généraux).

Cette modification est motivée par le mode de consommation et d’usage de ces produits (des aliments liquides qui par définition sont bus et principalement consommés – seuls ou associés à d’autres composantes – comme des boissons), ainsi que par la volonté d’améliorer pour ces produits la capacité de mieux les discriminer en fonction de leur composition nutritionnelle. Il s’agit notamment d’objectiver les différences dans leur teneur en sucre et en graisses saturées.

Des modifications ont été proposées pour les composantes énergétiques, celles du sucre et des protéines, la composante positive « fruits et légumes » et l’ajout d’une composante négative supplémentaire, avec 4 points attribués en cas de présence d’édulcorants dans la boisson.

Cette dernière justification est liée au fait que les travaux scientifiques récents n’ont pas permis de mettre en évidence un bénéfice des boissons édulcorées et suggèrent pour certains édulcorants un possible effet délétère. D’autre part, il existe un risque potentiel que la réduction de la teneur en sucre dans les boissons soit associée à une utilisation accrue des édulcorants. Pour toutes ces raisons les recommandations de santé publique en Europe visent à limiter leur consommation.

Enfin, le seuil du plafond lié à la présence de protéines (initialement fixé pour les produits négatifs comme supérieur à 11) a été supprimé. En effet, le maintien de ce seuil aurait conduit à des problèmes de classements de certains produits laitiers entiers.

Un classement plus strict des produits

Globalement, les modifications de l’algorithme conduisent à un classement plus strict des produits, sauf pour quelques groupes ciblés. Les produits sucrés et salés sont classés moins favorablement du fait de l’allocation des points désormais plus pénalisante.

Cela impacte par exemple les céréales sucrées du petit déjeuner sucrées. Ces dernières années, ces produits ont fait l’objet de reformulations qui ont réduit de façon significative leur teneur en sucre (elles sont passées de plus de 40 à 20-22 g de sucre/100g de céréales). Par ailleurs, la réduction concomitante de leur teneur en sel et l’ajout de blé complet, source de fibres, leur ont permis progressivement de se retrouver classées de C à B puis juste en dessous du seuil permettant d’être classées en A.

L’effort de reformulation du fabricant est louable. Toutefois, ces céréales contiennent tout de même encore des quantités relativement élevées de sucre et sont donc à nouveau classées en C, ce qui permet une discrimination par rapport aux céréales natures qui ne contiennent pas ou très peu de sucres (0 à 7 g/100g) et qui elles, se maintiennent en A.

Il faut cependant souligner que même en C, ces céréales « reformuléee » restent mieux classées que leurs concurrentes qui n’ont pas fait d’effort de réduction de leurs teneurs en sucre : ces dernières en contiennent généralement de 30 à 40 g pour 100g, ce qui les positionne en D ou E.

Photo d’illustration des changements du classement Nutri-score de certains produits
Le nouveau Nutri-score est plus strict avec certains produits. fournie par l’auteur

Les produits laitiers sucrés sont également moins favorablement classés. Ce déclassement est légitime, car le mode de calcul initial de l’algorithme, moins pénalisant pour le sucre dans le mode de calcul des aliments généraux, amenait certains laits aromatisés (chocolat, fraise, vanille…) et des yaourts à boire, pourtant sucrés, à bénéficier d’un classement trop favorable.

Désormais, « laits aromatisés » et « boissons lactées sucrées » ne seront plus classés A ou B (comme c’était le cas précédemment), mais principalement en D et E (certaines de ces boissons à faible teneur en sucre pourront se retrouver en C). De même, les boissons fermentées à base de lait (incluant les yaourts à boire sucrés et aromatisés) ne seront plus classées en A mais seront différenciées en fonction de leur teneur en sucre entre les classes de Nutri-score C et E.

Les boissons à base de plantes (incluant les boissons à base de soja, d’amande, d’avoine, de riz…) ne seront plus classées en A comme actuellement. Elles se distribueront entre les classes B et E selon leur composition nutritionnelle, notamment leurs teneurs en sucre.

Les fromages à pâte pressée à faible teneur en sel (comme l’emmental) passent de D à C, les autres fromages restant C, D ou E en fonction de leur teneur en sel et en acides gras saturés (dont les apports élevés sont liés à un risque accru de maladies chroniques, notamment de maladies cardiovasculaires).

La viande rouge (dont la consommation excessive est considérée comme à risque élevé de certains cancers) se retrouve moins bien classée que la volaille ou le poisson (dont les consommations ne sont pas associées à des effets défavorables sur la santé).

Les produits de la pêche, et en particulier les poissons gras sans ajouts de sel ou d’huile, sont principalement classés dans les catégories A et B du Nutri-score (ce qui est justifié par les travaux épidémiologiques mettant en évidence leurs effets favorables sur la santé, notamment du fait de leurs teneurs élevées en oméga-3).

Les pains complets riches en fibres sont classés plutôt en A alors que les pains blancs (raffinés, donc moins riches en nutriments et en fibres) se retrouvent en B ou C en fonction de leur teneur en sel.

Les fruits secs oléagineux et graines sans sel ni sucre ajoutés sont pour la plupart A ou B tandis que les versions salées et/ou sucrées sont en moyenne C ou D.

Les huiles avec de faibles teneurs en acides gras saturés (olive, colza, noix, huile de tournesol oléique) sont désormais classées B, tandis que les autres huiles sont classées en C ou D en fonction de leurs teneurs en acides gras saturés. L’huile de coco et le beurre se maintiennent en E du fait de leur teneur élevée en graisses saturées).

Les plats préparés, notamment riches en graisses saturées ou en sel, sont classés moins favorablement, passant en moyenne des classes A/B aux classes B/C voire D pour certaines catégories de produits, notamment certaines pizzas.

Photo d’illustration des changements du classement Nutri-score des huiles
Les classements des huiles sont eux aussi modifiés. Fournie par l’auteur

Boissons : seule l’eau reste A

En ce qui concerne les boissons, l’eau reste la seule boisson classée A. Les boissons sucrées avec des teneurs en sucre très limitées (environ <2 g/100mL) passent en B, alors que celles avec des quantités élevées de sucre sont maintenues en D/E, permettant une meilleure discrimination des boissons en fonction de leur teneur en sucres.

Les boissons contenant des édulcorants ne sont plus classées en B mais en C (voire D ou E pour celles qui contiennent à la fois des édulcorants et du sucre).

Les laits écrémés et demi-écrémés se retrouvent en B, c’est-à-dire dans les classes de Nutri-score les plus favorables pour les boissons, puisque seule l’eau est classée A. Ils sont maintenant différenciés du lait entier, qui est classé C. Les boissons lactées sucrées (laits aromatisés), de même que les yaourts à boire aromatisés ne sont plus classées en B (comme c’était le cas avec la précédente version du Nutri-score) mais se retrouvent principalement en D et E (seuls certains à faible teneur en sucre peuvent être C).

Les boissons à base de plantes (soja, avoine, riz, amandes…) sont

classées de B à E selon leur composition nutritionnelle.

Photo d’illustration des changements du classement Nutri-score des boissons
Parmi les boissons, seule l’eau est désormais classée en Nutri-score A. Fournie par l’auteur

Le cas des cacaos en poudre

Les cacaos en poudre ont désormais globalement le même classement, quelles que soient les modalités de leur déclaration nutritionnelle. Le règlement européen sur l’information des consommateurs stipule en effet que la déclaration nutritionnelle du produit peut être présentée pour le produit tel que préparé si le produit ne peut être consommé tel que vendu.

Les cacaos en poudre tiraient parti de cette possibilité en indiquant souvent les valeurs nutritionnelles pour 100g ou 100mL de produit préparé selon une méthode de préparation détaillée, contenant donc en grande partie du lait demi-écrémé.

Ceci conduisait à leur attribuer un Nutri-score plutôt favorable (en général B). Avec la mise à jour de l’algorithme, que la déclaration soit faite sur le produit tel que vendu ou reconstitué avec du lait, le Nutri-score est en général le même, soit D.

Photo d’illustration des changements du classement Nutri-score des poudres de cacao
Le classement des poudres de cacao a été revu pour limiter les biais liés à la préparation des breuvages les employant. Fournie par l’auteur

Pour les autres groupes alimentaires, les classifications actuelles restent inchangées.

2 ans de délai pour les industriels qui le souhaitent

La version révisée du Nutri-score corrige certaines des limitations identifiées avec le recul depuis sa mise en place. Elle permet surtout une meilleure cohérence et un meilleur alignement avec les recommandations nutritionnelles récentes en vigueur en Europe, au bénéfice des consommateurs, et de la santé publique.

Cette mise à jour du Nutri-score est censée être en place depuis le 1er janvier 2024 dans les 7 pays qui l’ont adopté. Cependant, en France, elle ne prendra effet qu’en avril, du fait du gouvernement italien : celui-ci a en effet eu recours à une procédure de demande complémentaire reposant sur des arguments dénués de tout fondement pour décaler de 3 mois la mise en place de la version révisée du Nutri-score.

Les industriels bénéficieront d’un délai de deux ans pour l’appliquer, afin de pouvoir écouler leurs stocks et renouveler leurs étiquettes.

Que peut-on attendre des futures mises à jour du Nutri-score ?

Un point important sera, à côté de l’information des consommateurs sur la composition nutritionnelle, de fournir également une information sur le fait que l’aliment est ultra-transformé ou non (classé NOVA 4).

Il est aujourd’hui impossible d’agréger les 2 dimensions (qualité nutritionnelle et ultra-transformation) dans le cadre d’un algorithme unique qui résumerait à lui seul la valeur « santé » globale des aliments. En revanche, une possibilité est de les combiner graphiquement par exemple en ajoutant une bordure noire autour du Nutri-score si l’aliment est ultra-transformé.

Un essai randomisé contrôlé a d’ores et déjà mis en évidence que ce type de logo combiné permet aux consommateurs de comprendre indépendamment ces deux dimensions complémentaires des aliments et d’orienter leurs choix vers des aliments plus favorables à leur santé.


Auteurs

Serge Hercberg, Professeur Emérite de Nutrition Université Sorbonne Paris Nord (Paris 13) – Praticien Hospitalier Département de Santé Publique, Hôpital Avicenne (AP-HP), Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Sorbonne Paris Nord;
Chantal Julia, Maitre de Conférence Université Paris 13, Praticien Hospitalier, Hôpital Avicenne (AP-HP), Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Sorbonne Paris Nord;
Mathilde Touvier, Directrice de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Sorbonne Paris Nord, Inserm et
Pilar Galan, Médecin nutritionniste, Directrice de Recherche INRAe, Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Université de Paris, Université Sorbonne Paris Nord, Cnam, Inrae

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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