Photo : Breeana Dunbar
Guillaume Laplante-Anfossi est chercheur (postdoc) en topologie algébrique à l’université de Melbourne, en Australie, où il travaille auprès de Marcy Robertson. Sa thèse, effectuée à l’Université Sorbonne Paris Nord sous la direction de Eric Hoffbeck et Bruno Vallette (LAGA), a été soutenue en juin 2022.
Il a reçu le Prix solennel de Thèse, en sciences, de la Chancellerie des Universités de Paris pour sa thèse « Approximations cellulaires d’applications diagonales de polytopes opéradiques ».
En collaboration avec Nicholas J. Williams, Guillaume Laplante-Anfossi a récemment mis au jour un lien inattendu entre les ordres de Bruhat supérieurs et les opérations de Steenrod.
Il a confectionné pour sa défense de thèse des polytopes « grandeur nature » que l’on peut observer et manipuler lors d’une visite au LAGA ou au LIPN.
« Ce qui est extraordinaire, c’est qu’en cherchant à résoudre ce problème particulier, j’ai en fait développé une théorie générale qui s’applique à tous les polytopes, et donc à mon problème mais aussi à plusieurs autres problèmes de même nature. »
Guillaume Laplante-Anfossi, chercheur
Si vous deviez résumer votre thèse (en 180 mots), que diriez-vous ?
Ma thèse consiste en la résolution de problèmes algébriques venant de la topologie, à l’aide de la théorie des polytopes et de la géométrie discrète. Dans ma thèse, j’étudie les opérades à homotopie près (n’ayons pas peur des mots !), qui sont des structures algébriques définies par une infinité d’opérations satisfaisant une infinité d’équations. Ce sont des structures assez compliquées, qui viennent de la topologie, c’est-à-dire l’étude de la forme des objets à déformation près.
Mon problème de thèse était : « comment définir le produit de deux telles structures ? ».
Répondre à cette question directement, en « sautant à pieds joints dans les calculs » (comme aurait dit Évariste Galois), est très difficile ; on se perd rapidement dans les formules… L’idée maîtresse de ma thèse est de prendre un autre chemin, en se servant des outils qui viennent d’un autre domaine, la théorie des polytopes, qui sont la généralisation à toutes les dimensions des polygones (dimension 2) et polyèdres (dimension 3).
Quelle est l’idée de départ de cette thèse, sa genèse ?
Le point de départ de ma thèse est un article co-écrit par l’un de mes directeurs de thèse, Bruno Vallette, avec Naruki Masuda, Hugh Thomas et Andy Tonks. Ils y définissent le produit d’algèbres à homotopie près, en se servant de la théorie des polytopes, et plus précisément d’une construction de William Fulton et Bernd Sturmfels datant des années 1990. Après avoir étudié cet article dans le cadre de mon mémoire de Master, je me suis attaqué au problème plus général des opérades à homotopie près. C’est là que j’ai rencontré les limites des outils qui étaient à ma disposition, et j’ai dû en développer de nouveaux.
Ce qui est extraordinaire, c’est qu’en cherchant à résoudre ce problème particulier, j’ai en fait développé une théorie générale qui s’applique à tous les polytopes, et donc à mon problème mais aussi à plusieurs autres problèmes de même nature. C’est ainsi qu’est née la deuxième partie de ma thèse, où j’ai travaillé en collaboration avec mon collègue Thibaut Mazuir pour définir le produit de morphismes d’algèbres à homotopie près, en nous servant de la théorie que je venais de développer.
Avez-vous des projets pour la suite ?
Après la fin de ma thèse, j’ai débuté un postdoc à Melbourne, en Australie, où je travaille depuis un an avec Marcy Robertson et l’un de ses étudiants, Kurt Stoeckl. Kurt et moi avons récemment mis en ligne un nouvel article, co-écrit avec Bérénice Delcroix-Oger et Vincent Pilaud, où nous approfondissons l’étude entamée dans mes travaux de thèse. Je dirais même que, dans un certain sens, nous « bouclons la boucle », en étudiant tous les produits possibles d’opérades à homotopie près. De manière surprenante, il s’avère qu’il n’en existe que deux ! De manière plus générale, j’ai commencé à travailler sur de nouveaux problèmes de topologie algébrique sur lesquels la théorie des polytopes permet de jeter une lumière nouvelle, avec des collaborateurs en Europe et en Australie. J’espère d’ici quelques années pouvoir devenir enseignant-chercheur à l’université.